La Liberté

Le cauchemar du lobby des armes

Au pays de l’Oncle Sam, la plus célèbre militante contre les violences par balles s’appelle Shannon Watts

Sébastien Blanc et Léa Dauple

Publié le 08.05.2023

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Etats-Unis » «Les Américains, et surtout les Américaines, iront voter aux prochaines élections avec deux choses en tête: les armes et l’avortement», martèle Shannon Watts. Elle est la plus célèbre militante contre les violences par arme à feu des Etats-Unis.

De passage à Washington, l’élégante quinquagénaire, habituée à voyager sous une fausse identité tant elle est haïe par une frange ultraradicale du pays, reçoit les journalistes de l’AFP dans sa chambre d’hôtel. Elle dispose de 45 minutes, entre un direct Instagram et un déjeuner à côté d’Hillary Clinton et d’autres femmes qui comptent.

Pas une hésitation dans la voix de cette mère de cinq enfants, qu’on dit avoir des nerfs d’acier. La répétition implacable des tueries et fusillades démoraliserait jusqu’aux plus engagés, mais pas elle. Plongée dans ce combat depuis plus de dix ans, Shannon Watts promet même que son camp est «en train de gagner».

«Faire quelque chose»

Samedi, un tireur a tué huit personnes dans un centre commercial proche de Dallas (lire l’encadré). «Nous ne sommes pas insensibilisés. Nous sommes traumatisés», a tweeté la pasionaria des «anti-gun». «Les Américains veulent mettre fin à la violence par arme à feu», soutient-elle. Les électeurs républicains, grands défenseurs du droit au port d’armes, sont eux aussi «inquiets pour leurs enfants à l’école».

Cette «peur» l’a poussée à fonder son association, Moms Demand Action («Les mères exigent des actes»). Le 14 décembre 2012, un déséquilibré ouvre le feu à l’école primaire de Sandy Hook, tuant 26 personnes dont 20 enfants de 6 et 7 ans.

Ce soir-là, Shannon Watts se couche «anéantie», «en larmes». Mais aussi «pleine de rage», avec la conviction qu’elle doit «faire quelque chose». Dès le lendemain, elle entame ses recherches. Elle trouve quelques associations, toutes gérées par des hommes. Or, elle rêve d’«une armée de femmes qui n’ont peur de rien».

Alors, elle la crée: partie d’un minigroupe Facebook, Moms Demand Action est aujourd’hui une puissante organisation ancrée dans les 50 Etats américains, qui revendique 10 millions de sympathisants. Son développement a bénéficié d’un soutien financier massif du milliardaire Michael Bloomberg.

Tee-shirts rouges

Les tee-shirts rouges de leurs membres sont devenus des présences familières dans les manifestations ou devant les capitoles, où nombre d’élus ont pu vérifier leur influence dans les urnes. Maîtrisant parfaitement les réseaux sociaux, Shannon Watts met en avant 500 succès législatifs locaux et nationaux, notamment pour contrer l’influence du premier lobby des armes, la National Rifle Association.

Menacée

Certes, avec une Cour suprême conservatrice, les revers judiciaires existent aussi, alimentant le fatalisme: les drames liés aux armes, même les plus tragiques, ne déclenchent plus de grandes manifestations aujourd’hui aux Etats-Unis. Mais, pour elle, aucun rassemblement ne suffira de toute façon à «changer les lois». Il faut en passer par un travail acharné de militant, «pas vraiment glamour», insiste la brune aux yeux clairs.

Il y a cependant une mesure que Moms Demand Action ne soutient pas: l’interdiction pure et simple des armes individuelles. «Il existe tout un tas de raisons pour lesquelles vous pouvez avoir besoin d’une arme», dit Shannon Watts. Son père en possédait une, tout comme de nombreux militants de son organisation. Elle rappelle que d’autres pays, comme Israël ou la Suisse, ont «beaucoup d’armes, mais peu de violence par arme à feu».

A 52 ans, Shannon Watts «n’exclut pas» de s’investir en politique. Une suite semblant logique, son engagement lui ayant assuré une notoriété nationale. Mais il a aussi fait d’elle une cible, dans un pays où l’attachement aux armes est pour certains viscéral.

Dès les premiers jours, elle a reçu des menaces. Des hommes lourdement armés ont été expulsés d’événements où elle intervenait. Elle se déplace avec quelqu’un chargé de sa sécurité et notamment de repérer «l’hôpital le plus proche où m’emmener, en cas de tir». ats/afp


Huit personnes tuées dans un centre commercial au Texas

Un homme a ouvert le feu au fusil d’assaut samedi après-midi dans un centre commercial de la région de Dallas, au Texas. Il a tué huit personnes et blessé plusieurs autres avant d’être lui-même abattu. Cette nouvelle tuerie aux Etats-Unis a semé la panique au Allen Premium Outlets, un vaste centre commercial à quelque 40 km au nord de Dallas, où il y avait foule pour les achats du week-end.

Des images de vidéosurveillance montrent le tireur sortir d’une berline sur le parking du centre commercial et ouvrir le feu, sans qu’on connaisse son mobile. Il portait une tenue paramilitaire et un fusil d’assaut.

Six personnes ont perdu la vie sur place et deux autres sont décédées à l’hôpital. Parmi les personnes atteintes par les tirs se trouve un enfant de 5 ans, selon un responsable hospitalier.

Le gouverneur de l’Etat, Greg Abbott, a déploré une «tragédie indicible». Le Texas est l’un des Etats américains les plus permissifs en matière de port d’armes. Le président américain Joe Biden a de nouveau exhorté dimanche le Congrès à interdire les fusils d’assaut. ATS/AFP

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