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L’ambassadeur fait un tollé

Les propos de l’émissaire de Pékin sur l’Ukraine et l’histoire consternent en Occident

Publié le 24.04.2023

Temps de lecture estimé : 4 minutes

France » Questionné sur la province ukrainienne de Crimée, annexée depuis 2014 par Moscou, l’ambassadeur chinois en France a nié la souveraineté des ex-républiques soviétiques. «Perroquet» de la «propagande russe»: ses propos controversés ont provoqué une levée de boucliers parmi les Etats concernés.

«Il est étrange d’entendre une version absurde sur l’histoire de la Crimée de la part d’un représentant d’un pays scrupuleux au sujet de son histoire millénaire», a lâché sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne. «Tous les pays de l’ex-URSS ont un statut souverain clair inscrit dans le droit international», a-t-il poursuivi, avant d’ironiser: «Si vous voulez être un acteur politique majeur, ne répétez pas comme un perroquet la propagande des Russes.»

Interrogé vendredi soir sur la chaîne française LCI par Darius Rochebin, l’ambassadeur chinois en France, Lu Shaye, avait indiqué au sujet de la Crimée, occupée par Moscou depuis 2014: «Cela dépend de comment on perçoit ce problème. Il y a l’Histoire. La Crimée était tout au début à la Russie. C’est Khrouchtchev qui a offert la Crimée à l’Ukraine dans l’époque de l’Union soviétique.»

Il avait poursuivi son argumentaire, estimant que les pays de l’ex-URSS «n’ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain».

«Loup combattant»

Lu Shaye, qui fait partie des «loups combattants», ce nouveau clan de diplomates chinois ne mâchant pas leurs mots face à un Occident perçu comme systématiquement hostile à Pékin, avait également appelé à arrêter de «chicaner» sur la question des frontières postsoviétiques. «Maintenant, le plus urgent est d’arrêter, de réaliser le cessez-le-feu» entre Russie et Ukraine, avait-il estimé.

Des commentaires qui ne concernent pas que ces deux pays, mais toutes les républiques nées de la dislocation de l’URSS en 1991, soit 14 «Etats membres des Nations Unies, que cet officiel chinois a littéralement rayés de la carte en une seule affirmation ahurissante», commente Thomas Friang, le fondateur de l’institut Open Diplomacy, un think-tank français, pour le Journal du dimanche.

Les Etats baltes, désormais membres de l’Union européenne et de l’Otan, ne masquent pas leur courroux. Le ministre des Affaires étrangères letton, Edgars Rinkevics, a dénoncé des remarques «complètement inacceptables».

Son homologue estonien Margus Tsahkna les a qualifiées de «fausses», relevant d’une «interprétation erronée de l’Histoire». «Selon le droit international, les Etats baltes sont souverains depuis 1918, mais ils ont été occupés pendant 50 ans» par l’URSS, a-t-il poursuivi.

«L’UE ne peut que supposer que ces déclarations ne représentent pas la position officielle de la Chine», a fustigé le chef de sa diplomatie, Josep Borrell, critiquant lui aussi des propos «inacceptables».

La France a, elle, déclaré en avoir «pris connaissance avec consternation». L’Ukraine a été reconnue internationalement «dans des frontières incluant la Crimée en 1991 par la totalité de la communauté internationale, Chine comprise», a insisté Paris, rappelant que l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 est «illégale au regard du droit international».

Embarras à Paris

Les déclarations du «loup» Shaye mettent dans l’embarras la diplomatie française, deux semaines à peine après qu’Emmanuel Macron a rendu visite à son homologue chinois Xi Jinping pour l’inciter à «ramener la Russie à la raison» vis-à-vis de l’Ukraine et le presser de ne pas livrer d’armes à Moscou.

Si Pékin se dit officiellement neutre, Xi Jinping n’a jamais condamné l’invasion russe ni même parlé au téléphone, jusqu’ici, avec le président ukrainien Zelensky. ats/afp

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