La Liberté

Etude: Les professions féminines mal rémunérées

Les professions typiquement féminines sont moins bien payées, conclut une étude des syndicats

Bayron Schwyn

Publié le 17.05.2023

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Travail » Moins bonne rémunération, progression salariale plus faible et 13e salaire plus rare: les branches majoritairement féminines sont moins bien loties que les masculines, selon une analyse de l’Union syndicale suisse. L’Union patronale conteste une étude «biaisée».

Fanny Hostettler a songé plusieurs fois à quitter son emploi pour trouver un nouveau travail mieux payé. Mais cette assistante en pharmacie de 28 ans aime encore trop son métier.

Neuf ans après son apprentissage et à force de négociations, elle a bénéficié d’une progression salariale de «moins de mille francs par mois», alors qu’elle a commencé sa carrière en empochant environ 4000 francs par mois, toujours sans 13e salaire. En travaillant à temps partiel, sa situation financière serait intenable si elle n’était pas en couple, admet-elle.

13e salaire rare

La jeune femme, qui officie dans une enseigne lausannoise, constate à contrecœur que beaucoup de jeunes ne se projettent plus dans cette profession essentiellement féminine. «Les sondages auprès des apprenties montrent que plus de la moitié d’entre elles s’attendent déjà à rejoindre un autre secteur d’activité à moyen terme», glisse-t-elle. «Celles qui restent plus de cinq à dix ans sont celles qui sont les plus passionnées.»

Autre exemple, le 13e salaire. 8% des coiffeuses et des esthéticiennes en bénéficient, alors que 80% environ de l’ensemble des salariés touchent un salaire supplémentaire chaque année.

«La moitié des femmes gagnent moins de 4500 francs par mois et ne touchent pas de 13e salaire. Un quart des femmes gagnent même moins de 2700 francs par mois»
Vania Alleva

Même constat inégalitaire de l’USS pour la progression salariale dans les secteurs à majorité féminine. L’organisation cite l’exemple de l’hôtellerie, où les employées au début de la cinquantaine gagnent aussi peu (salaire médian) que leurs collègues au début de la vingtaine.

Plus largement, une différence de progression salariale de près de 400 francs mensuels peut être constatée après trente ans de carrière entre les branches du secteur privé à majorité masculine et celles à majorité féminine.

«C’est révoltant de se dire que nous sommes moins payées simplement parce que nous sommes des femmes», lance Fanny Hostettler.

Plus globalement, «la moitié des femmes gagnent moins de 4500 francs par mois et ne touchent pas de 13e salaire. Un quart des femmes gagnent même moins de 2700 francs par mois», chiffre Vania Alleva. En cause ici: le travail à temps partiel beaucoup plus courant: il concerne quelque 60% des femmes, contre 10% des hommes. 80% des mères travaillent, elles, à moins de 50%.

«Tant que les femmes recevront des salaires qui ne leur permettent pas de vivre ou à peine, nous n’aurons pas de véritable égalité», insiste Vania Alleva.

Un peu moins d’un mois avant la grève des femmes, le 14 juin prochain, les syndicats mettent donc la pression pour que les métiers considérés comme typiquement féminins soient mieux valorisés.

Salaires minimaux

S’appuyant sur les conclusions de son analyse, l’USS revendique un salaire minimum de 5000 francs par mois pour les employés qui ont fait un apprentissage ou de 4500 francs pour ceux qui n’ont pas de diplôme, avec un 13e salaire pour toutes et tous.

Enfin, des «mesures fermes et systématiques doivent être prises contre la discrimination salariale» et «l’accueil des enfants doit être organisé comme un service public, afin de permettre une répartition plus équitable du travail rémunéré et non rémunéré entre les hommes et les femmes». ESH Médias


Pour le patronat, l’analyse de l’USS est «biaisée»

Pour Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse (UPS), l’analyse de l’Union syndicale suisse «est biaisée.» Selon lui, l’étude ne tient pas compte de deux facteurs principaux: le temps partiel et l’interruption de travail en raison de la grossesse et de la naissance d’un enfant. «N’ayant pas connu ces interruptions et travaillant moins à temps partiel, les hommes ont bénéficié de ce temps supplémentaire pour accroître leurs compétences, réseaux ou savoir-faire», détaille-t-il.

Pour lui, la solution réside dans le fait de mettre en place des mesures incitatives pour que les 300’000 personnes actuellement en sous-emploi et qui désirent travailler plus puissent être davantage intégrées sur le marché. L’UPS appelle notamment à des investissements fédéraux importants dans les services de garde d’enfants.

Le salaire minimum n’est dans tous les cas pas une solution, selon Marco Taddei. «Le paramètre principal d’une rémunération reste toujours la valeur ajoutée apportée par l’employé. Si elle est moindre, la rémunération l’est aussi. C’est ce qui explique que les salaires sont, par exemple, différents en informatique – qui demande une plus grande qualification – que dans le domaine de la coiffure – ou celle-ci est moindre», souligne-t-il. bs

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